|
Han,
par Iléana Cornéa
Dire
les secrets de son âme à travers un langage sibyllin
finissent par signifier toujours quelque chose. C'est le parti pris
de choses de Han : "Si le langage de la peinture passe par
la puissance du ressenti ou par l'imaginaire du spectateur, qu'il
soit profane ou averti, je ne parle plus d'œuvres mais de bonheur
artistique", écrit-elle.
Chez Han, ce "bonheur artistique" passe surtout et avant
tout par le travail de la matière. Ses toiles demandent une
préparation semblable au travail de maçon. Les traces
de l'outil restent apparentes comme celles que laisse la spatule
lorsqu' on enduit un mur. Sur ce type de texture savante et souvent
colorée, Han applique des griffures.
Non pas d'écorchures douloureuses qu'un chat méchant
vous inflige furieusement à l'improviste, mais plutôt,
presque toujours, des rayures rapides et nerveuses dans le sens
horizontal, telles les images brouillées sur un écran
de télévision.
Peu lisibles, des pans de texte, fragments déchiquetés,
fragiles, mystérieux comme les Manuscrits de la Mer Morte,
apparaissent sur la plupart de ses toiles.
Il est possible que cette artiste qui signe ses toiles d'un nom
en trois lettres, Han, entretient avec l'écriture et le mot
en commençant par son propre nom, des connivences particulières
qui nous ramènent à la formation énigmatique
du sens. C'est comme si, dans sa peinture, elle expérimente
esthétiquement la trace des origines lointaines de l'humanité,
d'elle même… Elle cherche au fond de sa mémoire.
Elle opère une sorte d'archéologie de l'âme
qui l'oriente vers des images chargées de saveurs antiques
d'où peut-être surgira un jour quelque enseignement
précieux. Le travail de Han est semblable à une quête.
Travail de texture à travers des superpositions de matériaux.
Recherche de couleurs aussi. Des éléments groupés
du tableau correspondent les unes aux autres comme un terrain après
une fouille.
Dans une de ses toiles, on peut déceler des fragments de
mosaïque byzantine. Dans une autre, une frise aux motifs floraux
qui court juste au-dessus … On se croirait dans une pièce
pompéienne dont les murs d'un oranger lumineux sont repris
par endroits à la chaux…On rêvasse.
L'artiste semble chercher, comme menée par le fil d'Ariane,
une chose oubliée dans le temps.
Dans ses toiles, rien ne laisse pressentir l’espace, les volumes.
À travers des indices figuratifs, morceaux de texte, sigles,
l'imagination du spectateur est conduite en dehors de la toile.
Le travail de Han qui mélange des éléments
figuratifs et des envolées abstraites nous renvoie à
un délicieux texte de Noël Arnaud publié dans
la revue Bizarre 1964 : "On peut supposer, (et les savants
ne rejettent pas cette hypothèse) que l'homme a commencé
par faire des signes qui n'avaient des sens que pour lui -même
(…) Qu'il initie ensuite les siens la reconnaissance et à
l'entendement de ses signes, haussés désormais au
rang des symboles, et de langage intime, secret, de code, personnel,
voici l'écriture devenue magique."
|
|
|